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Article d'opinion

27 Nov 2014

Auteur:
Dr. Aliou Diouf, Chercheur et représentant pour l’Afrique Francophone, Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme

Gestion des ressources naturelles de la République démocratique du Congo – du pillage au partage de la prospérité

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A sa cinquième conférence annuelle en l’honneur de Mary Robinson organisée le 31 octobre à New York, le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme s’est penché sur la thématique « Gestion des ressources naturelles de la République démocratique du Congo – du pillage à la prospérité inclusive ».

Emmanuel Umpula Nkumba

M. Umpula Nkumba, ledirecteur exécutif de African Resources Watch (AFREWATCH), une ONG de la RDC qui œuvre pour le respect des droits de l’homme par les entreprises minières, était le principal conférencier. Sa présentation portait sur les voies de recours offertes aux victimes d'abus des industries extractives. Emmanuel a souligné que l’exploitation des ressources naturelles en RDC est à l’origine de nombreux problèmes sociaux et environnementaux, parmi lesquels des délocalisations forcées et sans indemnisation adéquate, des accaparements de terres, la destruction de la faune et de la flore et la pollution de l’air et des sols. Dans certains cas, l’activité minière s’accompagne également de sérieuses exactions commises sur les populations locales par les forces de l’ordre avec la complicité des entreprises. AFREWATCH a comme mission d’accompagner les victimes de telles exactions en justice, mais les voies de recours dans le droit congolais sont semées d’embûches. Et la tâche n’est pas moins hardie devant les tribunaux étrangers.

Emmanuel est revenu sur deux affaires parmi celles qu’il a suivies dans son travail : les massacres de Kilwa en 2004 et la destruction du village de Kawama en 2009.

1)    Les massacres de Kilwa

A la mi-octobre 2004, un groupuscule rebelle inconnu, le « Mouvement révolutionnaire pour la libération du Katanga », s’empare de la petite ville minière de Kilwa. L’intervention militaire pour le déloger s’est transformée en carnage : pillages, destruction de maisons, viols, tortures, exécutions sommaires, etc. Au total, 70 civils ont été tués. Des camions, des voitures, et même un avion de la compagnie minière canadienne Anvil Mining ont acheminé les troupes gouvernementales. En 2007, le procès a eu lieu devant la cour militaire de Lubumbashi, mais il s’est soldé par une procédure bâclée, dénoncée jusqu’aux Nations Unies. Il aboutira à une condamnation de trois militaires. Mais le chef d’accusation de crime de guerre n’est pas retenu et les cadres d’Anvil Minig sont acquittés. En novembre 2010, une coalition d’ONG (RAID, ASADHO, ACIDH) dépose une demande de recours collectif contre Anvil Mining devant un tribunal civil du Québec (Canada). Mais en janvier de 2012, la Cour d’appel du Québec  statue que le Québec ne disposait pas de la législation nécessaire pour entendre l’affaire. La Cour Suprême du Canada a ensuite définitivement refusé d’entendre la cause, laissant ainsi s’envoler l’espoir des victimes d’accéder à la justice, et surtout de connaitre la vérité sur ce qui s’était passé la nuit du 14 au 15 octobre 2004, notamment les auteurs des crimes commis ainsi que leurs complices. AFREWATCH explore actuellement la possibilité d’initier un procès en Australie.

2)    La  destruction de 500 maisons du village de Kawama

Le 24 Novembre 2009, la Police Congolaise, avec l'aide logistique de la Compagnie Minière du Sud  Katanga (CMSK), qui était à l’époque le fruit d’un partenariat entre la Gécamines et le Groupe Forrest (les bulldozers utilisés appartenaient à l’entreprise), sous prétexte de délocaliser les creuseurs artisanaux, détruisit plus de 500 maisons du village de Kawama. Plus de 2500 personnes sont restées sans abris et dans le dénuement total puisque toutes les structures du village ont été détruites. Le 24 décembre 2009, le parquet ouvre une enquête, malheureusement cette dernière est restée sans suite jusqu'à ce jour, ce que les victimes et les parents de victimes assimilent à un déni de justice. Trois ans après, une coalition d'ONG saisit le Point de Contact National (PCN) Belge, mais après trois 3 séances de médiation, il n'y a pas eu d'accord entre les parties.En dehors de quelques recommandations du PCN à la CMSK, les victimes ne sont pas rétablies dans leurs droits jusqu'à ce jour.

3)    Les difficultés rencontrées

Le travail sur ces deux affaires a permis à Emmanuel d’identifier de nombreuses difficultés qui se dressent sur le chemin de la justice pour les victimes d’abus. Ces difficultés sont de deux ordres : celles qui sont inhérentes à la RDC et aux pays hôtes en général et celles qui sont liées aux pays d’origine des entreprises. Parmi les premières, Emmanuel mentionne les moyens matériels et humains limités de la justice, l’inefficacité de l’assistance judiciaire gratuite offerte aux victimes, l’ingérence politique dans les dossiers en cours et la corruption de l’appareil judiciaire. De plus, le recours collectif n’est pas reconnu dans le système judiciaire congolais et les villages ne peuvent pas ester en justice car n’ayant pas la personnalité juridique. Au niveau externe, il note le coût élevé d’une procédure devant les tribunaux étrangers, l’ignorance ou l'abstraction des problèmes que les multinationales posent dans leurs pays d’accueil, l’absence d’une volonté politique des pays d’origine qui souvent mettent en avant leurs intérêts économiques, et la peur des pays développés face aux entreprises des pays émergents censés avoir une législation moins regardante.

4)    Des recommandations pour améliorer l’accès à la justice

Emmanuel a fait les recommandations suivantes :

  • l’adoption d’un traité international qui contraindrait les entreprises à respecter les droits de l’homme ;
  • le renforcement des législations nationales des pays d’origine des entreprises mais aussi celles des pays d’accueil ;
  • le soutien des efforts visant à améliorer la gouvernance, la transparence et la fiscalité dans le secteur minier ;
  • un meilleur appui aux ONG et aux organismes internationaux travaillant avec les communautés affectées par les activités minières ;
  • un meilleur soutien aux populations victimes d'accaparement de terres en leur trouvant des nouvelles terres ou d'autres moyens de production.

La présentation d’Emmanuel a été suivie de l’intervention de Mary Robinson qui a partagé avec le public son expérience sur la région des Grands Lacs africains où elle a servi jusqu’en juillet dernier en tant qu’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies. Madame Robinson a souligné la nécessité de mettre un terme à l’impunité en RDC. Elle a également déploré les viols perpétrés à l’encontre des femmes et insisté sur la nécessité absolue de mettre un terme à ces actes ignobles.

Des représentants du Département d’Etat américain, de l’ONG Enough Project et de l’entreprise Motorola Solutions ont également rappelé leurs engagements pour la promotion du respect des droits de l’homme en RDC, notamment à travers la lutte contre ce qu’on appelle communément les minerais du conflit.

Patrick Alley, Co-Fondateur et Directeur de Global Witness, a de son côté expliqué l’énorme travail que fait son ONG afin de sauver le parc national des Virunga de l’exploitation pétrolière. Suite à une mobilisation locale et internationale menée par Global Witness et ses partenaires, l’entreprise pétrolière Soco s'est engagée à n'entreprendre ou commander aucune activité d'exploration ou de forage à l'intérieur du Parc à moins que l'UNESCO et l'État congolais ne conviennent que de telles activités ne sont pas incompatibles avec le statut du patrimoine mondial. L’ambiguïté de cette déclaration de l’entreprise est vivement critiquée par les défenseurs du parc qui estiment que cela laisse la porte ouverte à une déclassification partielle ou totale du parc pour permettre  son exploitation.

Enfin, en tant que Chercheur et Représentant pour l’Afrique francophone à Business & Human Rights Resource Centre, j’ai souligné lors de mon intervention que les tendances présentées par Emmanuel se vérifiaient dans d’autres pays de la région. Quelques affaires portées devant les tribunaux nationaux et internationaux contre des entreprises opérant en Afrique francophone ont illustré ces tendances : 

  • L’affaire de la Société Guinéenne de Palmier à Huile et d'Hévéa (SOGUIPAH)(2014), accusée d’accaparement de terres. Les avocats des victimes ont saisi Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’une plainte qui a été jugée recevable, donc l’affaire suit son cours.
  • L’affaire Herakles Farms (2014) est aussi un autre cas d’accaparement de terres supposé au Cameroun où des ONG locales (CED & RELUFA) ont récemment demandé au Point de contact national de la Direction des affaires financières et des entreprises des Etats-Unis d’ouvrir contre Herakles Farms une enquête pour corruption dans le cadre de son projet de plantation de palmiers à huile.
  • L’affaire William Tindwaen RDC (2012) impliquant la compagnie minière Tenke Fungurume Mining (TFM) et la société de gardiennage Delta Protection portée devant la justice congolaise. William Tindwa a été appréhendé dans la concession de TFM par les agents de Delta Protection qui assuraient la sécurité des lieux. Il est décédé quelques jours plus tard des suites de ses blessures. Sa famille saisit alors la justice d’une plainte pénale accusant les deux compagnies d’être responsables de sa mort. L’affaire est en cours, selon l’un des avocats de la famille.

Emmanuel et d’autres contacts nous ont fait savoir que ce genre de violence perpétrée par les agents des entreprises de sécurité privées contre les communautés locales est monnaie courante en RDC. De plus, de tels actes restent très souvent impunis.

La responsabilité juridique des entreprises opérant en RDC et en Afrique francophone pose de sérieux problèmes. L’accès à la justice des victimes d’abus commis par les entreprises est très limité à cause des nombreux obstacles juridiques et techniques qu’elles doivent franchir. Malgré ces difficultés, on commence à avoir des cas portés par les avocats des victimes devant les tribunaux des pays où les abus ont été commis ou des pays d’origine des entreprises. La transparence et la bonne gouvernance des ressources naturelles sont un impératif que les Etats et les entreprises commencent aussi à mieux comprendre et à adopter. Cependant, il reste encore beaucoup de choses à faire. Les ONG locales font de leur mieux mais ont besoin de plus de moyens pour venir à bout des nombreux défis liés au respect des droits de l’homme par les entreprises opérant en Afrique francophone.