RDC: Les liens entre le conflit et les minerais du sous-sol congolais
"Est de la RDC: à quel point le conflit est-il lié aux minerais du sous-sol congolais?", 5 février 2025
Les combattants pro-rwandais du M23 ont dès le mois d'avril mis la main sur la plus grande mine de coltan de la région des Grands Lacs, Rubaya, 15% de la production mondiale de ce minerai, notamment utilisé dans les condensateurs des téléphones et des ordinateurs.
Ils contrôlent également la route jusqu'à la frontière : 120 tonnes de coltan congolais prendraient tous les mois le chemin du Rwanda, ce qui rapporterait, selon les experts onusiens, 800 000 dollars de revenus mensuels au M23, en taxes et redevances sur les creuseurs, les entreprises minières, etc.
C'est l'une des principales sources de revenus du groupe armé pro-rwandais sur le territoire congolais, avec l'argent prélevé aux barrages routiers, les impôts sur les personnes, le travail agricole forcé ou les trafics de bois et de charbon...
Depuis que le M23 est entré dans Goma, la RDC a d’ailleurs demandé à ce que l’ONU décrète un embargo sur les exportations de tous les minerais étiquetés « rwandais ». Les autorités de Kinshasa ont aussi intenté dès la mi-décembre une action en justice contre Apple. La firme électronique américaine, accusée d'encourager la fraude de minerais vers le Rwanda, annonce avoir cessé de s'approvisionner dans la région des Grands Lacs.
La question devient aussi très politique en Europe. Le gouvernement belge et des élus du Parlement européen font désormais pression pour que l’Union européenne dénonce le partenariat sur les minerais qu'elle a signé en février 2024 avec le Rwanda...
La fraude de minerais congolais vers le Rwanda finance aujourd'hui le M23, mais elle est bien antérieure au retour du groupe armé pro-rwandais en RDC. Cette fraude de coltan, mais aussi d'or, de tungstène et d'étain, a pris de l’ampleur dès le milieu des années 2010, encouragée par d'autres groupes armés, comme les FDLR, les Forces démocratiques de libération du Rwanda, opposées au pouvoir de Paul Kagame à Kigali, avec des complicités au sein de l’administration congolaise elle-même, soulignent les experts.
Le minerai est souvent vendu plus cher de l'autre côté de la frontière, ce qui met en lumière les défaillances du système de traçabilité mis en place il y a une quinzaine d’années pour éviter que des « minerais du sang » ne se retrouvent dans la chaîne d'approvisionnement des produits électroniques.