Des munitions belges en Russie ? L’entreprise New Lachaussée dans le viseur
#Investigation - Des munitions belges en Russie ? L’entreprise New Lachaussée dans le viseur, 11 juillet 2023
Basée à Herstal, New Lachaussée (NLC) s’est fait une réputation mondiale pour ses machines à fabriquer des munitions. Ses lignes de production les plus performantes permettent de produire entre 3 et 5 millions de munitions par an. Parmi ses clients fidèles, la Russie figure en bonne place.
Mais depuis 2014 et l’invasion de la Crimée, un embargo européen interdit la vente de matériel militaire à ce pays, des sanctions encore renforcées après l’invasion de l’Ukraine en 2022. L’année dernière, une première fuite de données avait montré que NLC continuait d’entretenir des relations commerciales avec des entreprises russes. Sous pression à l’époque, la maison-mère allemande de New Lachaussée a dû se résoudre à demander une enquête...
...L’objectif inscrit dans la lettre de mission est clair : "déterminer si l’entreprise belge a violé les sanctions européennes contre la Russie en exportant directement ou indirectement des machines à fabriquer des munitions dans ce pays". Au départ, cette enquête avait pour but de rassurer KPMG-Belgique qui s’occupe de certifier les comptes de NLC mais aussi les actionnaires dont la Région wallonne qui possède encore 20% de l’entreprise via Wallonie Entreprendre.
L’enquête démarre le 18 mai 2022. À bonnes sources, on apprend qu’elle ne se déroule pas comme prévu : "Plus les semaines passent, plus les enquêteurs de KPMG-Allemagne trouvent des éléments problématiques"...Le rapport de mission daté du 7 juillet 2022 est transmis à la maison-mère allemande de NLC ainsi qu’à Patrick Thomas, l’avocat belge de NLC, qui en a fait explicitement la demande...
Un élément dans le rapport de KPMG-Allemagne renforce ses déclarations : une conversation Whatsapp entre le Directeur commercial de NLC et l’agent de l’entreprise belge en Russie. L’échange date du 26 octobre 2020. Pour notre lanceur d’alerte, c’est la preuve que les deux hommes discutent "de la façon de contourner les sanctions" en faisant référence "aux contrats qu’ils essaient de signer en Russie".
Dans cette conversation, l’agent en Russie de NLC évoque "les efforts de l’entreprise russe Tula Cartridge Works pour échapper aux sanctions américaines". Il ajoute que Tula possède de "nombreuses entreprises à travers le monde", ce qui ajoute-t-il devrait leur permettre de "trouver une façon légale de faire la transaction". L’agent en Russie rassure même le Directeur commercial sur les chances de NLC d’emporter le contrat en raison, dit-il, des nombreux contacts entre les deux entreprises depuis plusieurs années".
Ces échanges mais aussi d’autres documents comme des courriels, des comptes rendus de réunion, des offres de prix montrent effectivement que la ligne entre NLC et plusieurs entreprises russes n’a jamais été rompue. Pour Yannick Quéau, le Directeur du GRIP, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, ce n’est pas normal. "Depuis 2014, on a un régime de sanctions qui interdit normalement les discussions de ce type, les tractations ou les tentatives d’établir des relations commerciales pour le futur ou pour de bonnes relations. Ici on voit qu’il y a des intermédiaires, la volonté de se porter candidat à l’accession à certains marchés. Ce sont déjà des activités problématiques"...