Contentieux climatique en France contre Total: L'action des associations et collectivités jugée irrecevable
"Procès climatique contre TotalEnergies : l’action des associations et collectivités jugée irrecevable, une décision inquiétante", 6 juillet 2023
En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités a assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Rejointe en septembre 2022 par trois collectivités supplémentaires et Amnesty International France, la coalition demande que la pétrolière soit contrainte de prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance...
Dans une ordonnance rendue ce jour, le juge de la mise en état a déclaré l’action judiciaire irrecevable. Une décision inquiétante alors que plusieurs autres actions judiciaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance ont également été déclarées irrecevables ces derniers mois : Projets Tilenga et EACOP en février, affaire Suez/Chili en juin, et EDF Mexique en décembre.
Le juge a considéré que TotalEnergies n’aurait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale en juin 2019. Cette condition de la stricte identité entre les demandes de la mise en demeure et celles de l’assignation n’existe tout simplement pas dans la loi sur le devoir de vigilance.
Bien que la loi sur le devoir de vigilance n’impose aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations ou personnes affectées, cette ordonnance ainsi que les précédentes décisions, prétextent un manque de dialogue pour juger irrecevables les actions judiciaires. Alors que la coalition a interpellé, échangé et rencontré les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure, ce qui n’est aucunement imposé par la loi, le juge n’a pas pris en compte ces différents échanges préalables, considérant que « de simples réunions ne peuvent constituer un avertissement solennel »...
Le juge a aussi considéré que certaines associations et collectivités étaient irrecevables faute d’intérêt à agir en justice au titre de la prévention du préjudice écologique, en contradiction frontale avec la position du Conseil d’État dans la décision Grande-Synthe...
Les associations et collectivités étudient les suites judiciaires à donner à cette ordonnance. La coalition reste convaincue que la voie judiciaire est indispensable pour lutter contre l’impunité des multinationales en matière de dérèglement climatique. Malgré des premières décisions très décevantes sur les actions fondées sur le devoir de vigilance, les organisations et collectivités engagées dans la coalition continueront à mobiliser les leviers juridiques pour que les acteurs du dérèglement climatique aient à répondre des conséquences de leurs activités à l’échelle planétaire comme à l’échelle locale...