Coupures d'internet en Afrique: Comment ça marche
"Coupures d'internet en Afrique, mode d’emploi", 15 septembre 2023
Nous sommes le 26 août dernier, Ali Bongo est encore président pour quelques heures. Alors que les Gabonais se rendent aux urnes pour des élections générales sans grand suspense, internet est coupé « jusqu’à nouvel ordre ». Justification avancée : endiguer « la propagation d’appels à la violence […] et des fausses informations ». Moins d’un mois auparavant, bien plus à l’ouest, les Sénégalais éprouvaient la même censure, pour des raisons peu ou prou similaires. Nous sommes alors le 31 juillet et l’opposant Ousmane Sonko vient d’être arrêté et inculpé, notamment pour appel à l’insurrection. Deux décisions, lourdes de conséquences pour les habitants des pays concernés, qui rappellent que les restrictions d’accès à internet sont devenues un recours régulier par de plus en plus de gouvernements dans le monde, y compris par certains considérés comme démocratiques. Avec souvent comme prétexte la lutte contre la désinformation ou la « préservation » de la sûreté nationale...
De nombreux organismes de mesure de l’internet, dont Access Now, considèrent même que le continent a hébergé la première coupure de grande envergure de l’histoire, en Égypte en janvier 2011, lorsque le régime a répondu au « vendredi de la colère » avec le blocage de l’internet mobile, des réseaux des plus grands fournisseurs d’accès à internet à domicile ainsi que de médias sociaux comme Facebook et Twitter. De 2014 à 2022, le continent africain a connu au moins 142 coupures dans 35 pays, assure l’ONG Tournons la page dans une étude inédite sur ces pratiques, parue en mai dernier.
Pour Gbenga Sesan, directeur général de l’ONG nigériane Paradigm Initiative, « au-delà du fait que ces coupures internet ne cessent d’augmenter dans le monde et de concerner de plus en plus de pays, ce qui est inquiétant est que certains pays sont constants dans leurs usages et s’en sont même fait une spécialité, comme l’Algérie, qui, comme d’autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, restreint l’internet à chaque période d’examen, l'Éthiopie et le Soudan, qui ont coupé l’accès à internet de multiples fois lorsque des conflits internes ont éclaté sur leur territoire, ou la RDC, qui a déjà coupé l’internet durant des élections. »...
Du point de vue de l’utilisateur, il existe schématiquement trois types de restrictions de l’accès à internet : la coupure totale, ou « kill switch » en anglais, le blocage de services spécifiques, et la connexion dégradée, ou « throttling » en anglais. Dans la deuxième situation, l’utilisateur navigue librement sur internet, mais ne parvient pas à accéder à certains sites ou applications, en général des réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) ou des services de messagerie instantanée (WhatsApp, Telegram…)...[Fait référence à Orange, Vodafone et Instagram].